dimanche 5 janvier 2014

Extraits du livre "L'eau-delà de l'eau "(Jacques Collin) - Ch.1 L'Humanité en hiver.


Ce chapitre est un inventaire de l'impitoyable civilisation que nous avons bâtie à travers les siècles.  Celle-ci ne s'est construite que par l'addition d'infinités d'erreurs s'accumulant dans notre histoire et provoquant cette dérive de notre trajectoire cosmique  qui nous met dans un état d'impuissance.
Et pourtant, au fond de chacun, demeure cette immuable et inaltérable dimension intemporelle de notre être.

Alors pourquoi ne pouvons-nous plus la vivre ici et maintenant et à tout jamais ?

A notre naissance, l'enfant et le bébé que nous étions vivaient dans un monde non local.  Il n'y avait pas de séparation.  Notre sommeil de 18 à 20h par jour nous permettait de rejoindre l'unité où le "je" (l'égo) ne se formule pas encore. 
(Ne dit-on pas pour un bébé qui sourit en dormant : "il rit aux anges" ... ou n'avez-vous jamais remarqué qu'un jeune enfant peut soudain "être figé" en regardant un point fixement ... qu'il est le seul à voir). Mais ce bébé et ce jeune enfant ne connaît pas encore "l'égo, le JE".

Chacun de nous naît, vit et meurt.  Dans cet intervalle de temps nous évoluons enfermés dans les murs de pierre de la matière de l'espace et du temps, ballotés par les événements d'un destin souvent incompréhensible, essayant par de puissants efforts à fabriquer notre bien-être et notre bonheur.  Nous les expérimentons sur toutes les gammes de nos cinq sens et de nos pensées.

Toutes nos émotions, nos sentiments, notre volonté de bonheur, sont construits, dans leur presque totalité, à partir de cette imagerie matérielle du monde.
Aussi bien le beau, le laid, le bon, le mauvais, la peur, la sérénité, toutes ces sensations sont secondées par le sens de la vue, du toucher, du goût et de l'ouie.  Tout le décryptage de ces images va concourir à renforcer l'usage égotique de notre cerveau humain.

C'est une loi biologique.  Il faut repousser le plus loin possible notre inéluctable destruction physique aussi longtemps que nous pouvons vivre heureux et cela dans le plus grand bien-être.
Il y a déjà deux fantômes qui rôdent : la mort et le bonheur.  Ils vont être les compagnons inscrits dans tout être vivant.  Apparemment contradictoires, ils sont complémentaires et intimement liés.  La peur de la mort féconde la plupart de nos bonheurs.  Si nous n'étions jamais heureux ou sans espoir de l'être, la mort ne serait plus une peur mais une délivrance.  D'ailleurs, la désespérance conduit à la mort par le suicide.

Le bonheur et le bien-être n'existent que par rapport à une peur, à un mal-être et à l'angoisse de la mort.

Pourtant, nous essayons, comme des forcenés, de savoir qui fait fonctionner la machine et surtout comment elle fonctionne.
Par cette quête de la connaissance, nous essayons d'ancrer nos croyances sur des certitudes, qui nous renvoient à des interrogations perpétuelles ...
De plus, nous avons conçu, d'une part, des systèmes, des institutions, des structures sociales dont le bonheur ne dépend strictement que de l'avoir et du savoir et des avantages que  nous en tirons.
D'autre part des religions nous promettent d'hypothétiques bonheurs métaphysiques, arrachés à cette vallée de larmes terrestres,  coups de souffrances, de renoncements, de morales, d'interdits, de dogmes, de culpabilisations où le goût du bonheur et du plaisir devient suspect.

Mais il y a encore plus insidieux dans la recherche des vérités et du savoir. Nous analysons, disséquons, réduisons, coupons les idées, les sentiments pour observer jusqu'à son point minimum observable.  Et nous ne percevons plus la dynamique globale des événements et des systèmes.  Nous fracturons tout et nous nous sommes fracturés.
Nous sommes comme une fourmi dans une cathédrale, comme celui, qui le nez collé contre un mur, ne verrait que la pierre devant lui mais ne verrait ni la pierre au-dessus ni celle en-dessous ... ni la cathédrale.

La science cherche à nous expliquer le fonctionnement du cerveau. Les neurologues y cherchent le siège de la mémoire, de la peur, du plaisir.  Ils expliquent que le cerveau secrète des hormones comme les endorphines pour le plaisir, l'adrénaline pour la peur ou le stress.  Ils nous expliquent que le cerveau s'est complexifié depuis l'aube des temps.
Mais a-t-on vraiment pu découvrir et isoler dans le cerveau, le beau, la peur, le plaisir, l'amour ? Non certes.  Les neuromédiateurs chimiques secrétés par le cerveau ne sont que la résultante physiologique de cette interaction.   Ces sentiments proviennent d'un autre univers, mais la science n'a pas d'instruments pour les mesurer, elle considère alors qu'ils n'existent pas.

L'homme solitaire enfermé dans les murs des apparences, constitués par ses cinq sens et sa rationalité, envisage la vie comme un phénomène dû au hasard, cherchant à la maîtriser et à la comprendre en analysant ses lois.   Il faut aussi beaucoup d'orgueil pour arriver à vivre avec le néant, l'égo devient monstrueux.

D'autres se réfugient en vivant des fraternités collectives exaltantes au travers d'idéologies ou d'intégrismes religieux, en troquant leur propre conscience pour une conscience collective qui pourvoit à tout et devient naturellement et brutalement totalitaire.

Et pourtant quelles que soient les horreurs et les tragédies de notre histoire personnelle ou collective, quelque part au-delà de notre désespoir, de nos défaites et de nos doutes, demeure en nous-mêmes un immense gisement fait de beauté d'amour et de bonheur qui survit dans les tempêtes.
Mêlée aux entrelacs de  nos fatalités, cette source imprègne notre destinée jusqu'à la texture même cellulaire de notre corps. La vie tenace est prête à reprendre son droit à vivre, à recréer le monde du bonheur.

Inlassablement sur ces terres du malheur, jaillit toujours cette petit fleur.  La naissance des premiers matins du monde peut éclore en nous à chaque instant et répandre sa lumière éblouissante et vivifiante.  Nous sommes nés avec.

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