mardi 17 juin 2014

Delhaize et le Mundial: réflexions d'un évêque émérite


Delhaize et le Mundial: réflexions d'un évêque émérite



 Delhaize et la Coupe du monde de football au Brésil ont fourni l'essentiel de l'actualité de ces derniers jours. Mgr Jousten, évêque émérite de Liège, a souhaité y réagir. Il nous livre ici ses réflexions.
"Un fameux tonnerre dans le ciel belge : 2500 emplois menacés (ou déjà perdus ?) chez Delhaize. Les commentaires des journalistes soulignent la concurrence sur le marché belge. Est-elle plus grande que dans d’autres pays ? Si oui, est-elle due à la prolifération des supermarchés ? Quelle est la préoccupation du législateur ? A chaque nouvelle ouverture, je m’étonne d’un paradoxe à mes yeux évident : le nombre des surfaces augmente et les Belges dépensent toujours moins d’argent pour l’alimentation (y compris les restaurants et les fast-foods ?). J’ai l’impression que les politiques voient en premier lieu le nombre d’emplois potentiels annoncés et promis par les auteurs de tels projets. N’est-ce pas se leurrer ? Car si on dépense moins pour l’alimentation, il est même plus que probable que la multiplication des surfaces risque de mettre à mal les promesses faites par les investisseurs. On n’achète tout de même pas pour faire plaisir aux magasins… Ne faut-il pas reconnaître un jour que le marché est saturé ?
Certains diront qu’il est temps d’éduquer les consommateurs pour qu’ils veillent plus à la qualité des marchandises de consommation. Les prix les plus bas sont-ils liés à une baisse de qualité ? Test-Achat et d’autres ont bien leur rôle à jouer dans une telle constellation.
Un autre aspect de la décision  de Delhaize m’inquiète tout autant, sinon plus encore, vu la dimension mondiale du phénomène : la recherche du profit comme premier objectif de l’entreprise. L’Eglise (le Pape, les évêques de Belgique et bien d’autres instances) ne cessent de dénoncer pareille évolution de l’économie mondiale. De plus en plus, les finances dominent l’économie et le politique. Où reste alors l’utilité sociale de l’entreprise ?  Si le profit (financier) est le premier objectif de la "société anonyme" (terme bien significatif !), les ouvriers, les employés, les cadres et les consommateurs ne sont-ils plus que des pions sur un échiquier, dont on dispose comme on veut ?
"L’humanité n’est pas une société anonyme"Le Mundial, la Coupe du monde vient de commencer au Brésil. Une enquête a révélé que 57%  des Brésiliens craignent plus de préjudices que d’avantages pour leur pays. Dépenses faramineuses de l’Etat, corruption de la FIFA – tout tourne autour de l’argent. Quel sera l’effet durable des investissements quand on les analyse sous l’angle de l’intérêt général ? Dans les villes où auront lieu les rencontres sportives, les jeunes sont menacés d’abus sexuels. Dans quel monde vivons-nous ?
L’humanité n’est pas une société anonyme: chaque être humain a un nom et une dignité inaliénable. Les politiques sont tous responsables du respect de cette dignité et de la promotion du bien-être de tous – en Belgique, au Brésil, dans le monde entier.
+ Aloys Jousten

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